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Et avec ça, qu'est-ce que je fais

Les contes peuvent-ils guérir ?

 

Les contes peuvent-ils guérir ?

 

Par Carine Gouriadec

 

Les contes de fées, des histoires à faire dormir les enfants ? La définition est un peu courte, et dépassée. Le succès planétaire du sorcier Potter, l'audimat record des émissions faiseuses de stars le prouvent : magie et merveilleux sont à la mode. À tel point que des thérapeutes s'en emparent à leur tour. Car entre les lignes des contes, c'est la sagesse universelle qui palpite, et nous guide vers la connaissance de nous-mêmes.

 

Samedi matin, 9 heures. Une grande salle aux murs blancs griffés de toiles abstraites, dans le 11ème arrondissement de Paris. En chaussettes, la vingtaine de participants, entre 30 et 60 ans, s'assied en demi-cercle. Bienvenue au séminaire mensuel de la Voix des Contes.

 

Cette méthode pratique de thérapie par les contes de fées existe depuis 1987, sous la férule de Jean-Pascal Debailleul. Psychologue de formation, adepte du soufisme, du yoga ou encore de l'hypnose, le “conteur-thérapeute” ambitionne de “mettre de la magie dans votre vie.”

 

 Partant de l'analyse d'une cinquantaine de récits merveilleux, principalement de Grimm, il propose à chacun de devenir “le héros de sa vie”, en apprenant à transposer le conte dans la réalité. Pour l'heure, pull décontracté et regard aigu, le maître conteur annonce le thème du mois, “le combat contre l'impuissance.” Ou “comment lutter contre ces parasites qui ont pris le dessus sur nos vrais désirs.” Bouteille thermos et carnet de notes à portée de main, les stagiaires sont studieux, l'atmosphère feutrée. S'il y a une leçon à tirer de la lecture des contes, chacun semble bien décidé à la faire sienne.

 

Que peuvent guérir les contes ? Leur pouvoir semble large, s'appliquant à des troubles de degrés divers. Enfant, les problèmes à résoudre sont simples : comment trouver un ami, ne plus avoir peur du noir, résister au monstre caché dans l'armoire... Devenu adulte, les choses se compliquent : on veut réussir dans son travail, trouver l'âme sœur et désir suprême, être heureux ! Comme le résume joliment Margalide, conteuse traditionnelle du sud de la France, “la médecine traditionnelle soigne le corps, la psychothérapie soigne les émotions et les contes soignent... la flamme. Car la vie est une histoire de feu, et le seul souci est de savoir régler la flamme.” À La Voix des Contes, la reconversion professionnelle est souvent évoquée, les stagiaires espérant trouver le ressort nécessaire à leur changement de cap. Telle Coline, commerciale “dans une impasse”, qui à 50 ans voudrait enfin trouver le travail de ses rêves.

 

La démarche peut se révéler très pragmatique. “Surtout chez les hommes”, précise Jean-Pascal Debailleul. Un écrivain s'est inscrit un jour en affichant clairement son intention de publier un best-seller ! Ce qu'il aurait fait sitôt le stage terminé, en plus de se lancer dans l'écriture de chansons. Damoussira, 40 ans, éducateur, est arrivé d'Afrique, il y a quinze ans. Lui aussi rêve d'écrire. “L'année dernière j'ai retrouvé une histoire qui m'avait marqué enfant, Mossikasika le petit poussin. J'ai réalisé qu'elle était toujours restée dans ma mémoire, me donnait envie d'écouter d'autres contes. Et puis j'avais envie de me rapprocher de mon rêve. Alors je suis venu ici.”

 

“Rêver assez fort pour que la réalité se mette à l'unisson des rêves”, c'est précisément l'une des suggestions de la méthode. Et si elle sonne comme un slogan de mai 68, la révolution est ici intime. Apprendre à mieux se connaître, retrouver la confiance en soi, c'est bien de développement personnel qu'il s'agit. Dans ce domaine, le recours aux contes n'est pas nouveau. En 1976, dans un ouvrage devenu célèbre (La Psychanalyse des Contes de fées, ed. Robert Laffont) , le psychanalyste Bruno Bettelheim expliquait : “Dans les contes de fées, les processus internes de l'individu sont extériorisés et deviennent compréhensibles parce qu'ils sont représentés par les personnages et les événements de l'histoire.”

 

S'inspirant du même principe, Jean-Pascal Debailleul distingue trois figures récurrentes dans les contes : le roi qui réfléchit, le héros qui agit, et la fée qui lui porte secours. Pour lui, ces personnages sont la métaphore de nos actions quotidiennes (prendre une décision, la mettre en œuvre...). Après sa lecture à haute voix d'un conte, il invite donc chacun à le traduire dans la réalité. Sur le mode du “ça me rappelle...”

 

Un débat s'ouvre, bribes d'expériences qui font écho à l'histoire. Cette bascule, c'est la clé de la liberté. Car s'approprier Peau d'Ane ou Barbe Bleue, c'est se convaincre enfin que tout est possible ! Une mécanique pas évidente. Alors, les stagiaires ont des devoirs à faire. Plus exactement, des exercices d'imagination créatrice, de lâcher-prise, inspirés des disciplines de la sagesse traditionnelle. Face à une situation difficile - impression d'être transparent lors d'un dîner, pluie battante en attendant le bus.

 

 Debailleul suggère de déplacer son esprit de manière à vivre l'événement depuis un autre point de vue : celui du beau parleur, ou des gouttes d'eau ! Une manière de s'affranchir du conformisme qui soulage, et ouvre des perspectives nouvelles.

 

Dans le petit monde des conteurs, la transposition du récit ne fait pas l'unanimité. Margalide, qui promène ses spectacles d'hôpitaux en maisons de retraite, se considère avant tout comme une comédienne. Pour elle, ce qui compte c'est de raconter une histoire, en privilégiant la théâtralité : “On doit laisser la magie opérer, l'histoire se suffit à elle-même et prend toute sa signification grâce au talent du conteur.”

 

Dans le cas de pathologies plus lourdes, le conte est utilisé comme médiateur.

 

En psychothérapie, le jeu de rôles offert par les personnages et les situations permet aux enfants de parler de leurs souffrances, en douceur, sous le couvert protecteur de la fiction.

 

La psychologue Karen Sadlier a ainsi eu recours au Petit Chaperon Rouge pour guérir de son traumatisme une petite fille de cinq ans victime d'agressions sexuelles. “Les contes de fées fournissent aux enfants un support mythique à partir duquel ils donnent sens à leurs expériences”, explique-t-elle. La fillette a utilisé les personnages du conte pour expérimenter les positions de victime, d'agresseur, de sauveteur. En revivant les faits depuis ces différents points de vue, elle a pu comprendre ce qui lui était arrivé. “La possibilité d'utiliser un scénario avec une fin heureuse a donné à la fillette un sentiment de sécurité”, ajoute Karen Sadlier.

 

Le happy end, autre vertu des histoires merveilleuses. Attention, le recours aux contes de fées n'est pas sans risques. Comme le souligne Margalide, “on ne peut raconter n'importe quoi sous peine de faire des dégâts, (...) les mots peuvent avoir un impact très fort.” Il existerait donc une déontologie du conteur. Et la conteuse de nous mettre en garde : “Un

 

 

conte est proposé en fonction de son contenu, par rapport à un groupe de personnes déterminé. Vous ne donnez pas n'importe quel médicament pour une migraine ou des maux d'estomac !” Choisir la bonne histoire, adaptée aux circonstances, c'est peut-être ça le début de la magie du conte.

 

À méditer avant de s'installer pour la prochaine histoire du soir...

- La Voix des Contes, 27 rue Titon, 75011 Paris.

Site : [-> www.voiedescontes.com]

http://www.cles.com/psycho



18/10/2013
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